Publié le 17 avril 2024

L’absence d’un testament et d’un mandat de protection n’est pas un risque futur, mais la cause directe d’une paralysie financière immédiate de vos actifs personnels et professionnels au Québec.

  • En cas d’inaptitude sans mandat, tous vos comptes sont gelés, bloquant les opérations de votre entreprise et l’accès aux liquidités pour votre famille, le temps qu’un tribunal nomme un représentant.
  • Au décès sans testament notarié, vos actifs sont bloqués dans un long processus de liquidation judiciaire, retardant l’héritage de plus d’un an et engendrant des frais substantiels.

Recommandation : Formaliser dès maintenant vos volontés via un testament notarié et un mandat de protection est le seul moyen de garantir la liquidité de vos actifs et la protection de votre patrimoine et de votre entreprise.

En tant que chef de famille ou propriétaire d’entreprise, votre quotidien est une course contre la montre. La planification successorale figure sur votre liste, mais toujours reportée sous la pile de dossiers plus urgents. Vous vous dites : « Je m’en occuperai plus tard », « La loi protégera bien ma famille », ou « C’est un problème pour dans longtemps ». Il est de ma responsabilité de notaire de vous le dire sans détour : c’est une erreur de jugement aux conséquences potentiellement dévastatrices. Le véritable danger n’est pas seulement de laisser un héritage mal préparé, mais de provoquer une paralysie financière immédiate et totale en cas d’accident ou de maladie subite.

La plupart des gens pensent au testament comme un simple document de répartition des biens après la mort. Quant au mandat de protection, il est souvent perçu comme une précaution pour la grande vieillesse. Cette vision est incomplète et dangereuse. Imaginez un instant que vous soyez victime d’un accident qui vous rend temporairement inapte. Sans mandat de protection homologué, qui peut signer les chèques de paie de votre PME lundi prochain ? Qui a l’autorité légale pour accéder à vos comptes et payer l’hypothèque ? La réponse est simple : personne. Vos avoirs, personnels comme professionnels, sont instantanément gelés.

Cet article n’a pas pour but de vous alarmer, mais de vous équiper de la lucidité nécessaire pour agir. Nous n’allons pas survoler les concepts. Nous allons disséquer les mécanismes juridiques et fiscaux québécois qui transforment vos actifs durement gagnés en un fardeau administratif pour vos proches. Nous verrons comment des outils, souvent perçus comme complexes ou réservés à une élite, sont en réalité des instruments essentiels pour assurer la continuité de votre entreprise et la sécurité financière de votre famille. Il est temps de voir ces documents non comme une prévision de votre fin, mais comme le plan de continuité de tout ce que vous avez bâti.

Pour vous guider à travers ces enjeux critiques, cet article détaille les stratégies et les pièges à éviter. Vous découvrirez les mécanismes précis pour protéger et transmettre votre patrimoine, des fiducies familiales au rôle crucial des fonds distincts, en passant par les erreurs à ne jamais commettre dans la désignation de votre liquidateur.

Fiducie familiale : est-ce réservé aux ultra-riches ou utile pour protéger les actifs d’une PME ?

L’idée que la fiducie familiale est un outil exclusivement réservé aux grandes fortunes est une misconception tenace. En réalité, pour un propriétaire de PME au Québec, elle peut être l’un des véhicules les plus efficaces pour protéger ses actifs, optimiser sa fiscalité et planifier sa relève. Une fiducie est une entité juridique distincte qui détient des biens pour le compte de bénéficiaires (par exemple, vos enfants). L’un de ses avantages majeurs est la protection d’actifs. Les biens placés dans la fiducie ne vous appartiennent plus directement; ils sont donc à l’abri de vos créanciers personnels ou des risques liés à vos affaires. C’est un rempart essentiel pour sécuriser le patrimoine familial face aux aléas de l’entrepreneuriat.

Fiscalement, la fiducie offre une flexibilité remarquable, notamment pour le fractionnement de revenus. Si votre PME verse des dividendes à la fiducie (qui en est actionnaire), ces revenus peuvent être distribués entre les différents bénéficiaires (votre conjoint, vos enfants majeurs). Chacun étant imposé à son propre taux marginal, la charge fiscale globale de la famille peut être significativement réduite. De plus, la fiducie permet de multiplier l’accès à l’exonération pour gains en capital lors de la vente d’actions d’une société privée admissible. Le coût de mise en place, bien que non négligeable, doit être vu comme un investissement stratégique. En effet, selon la Banque Nationale, le coût de création d’une fiducie familiale varie de 5 000 $ à 15 000 $, un montant rapidement amorti par les économies d’impôt et la protection offerte.

L’argument décisif pour un entrepreneur est souvent lié à la relève. La fiducie permet de transférer progressivement la valeur de l’entreprise à la prochaine génération sans en perdre le contrôle. Vous pouvez rester fiduciaire et gérer les actifs, tout en « cristallisant » la valeur actuelle de l’entreprise sur vous et en laissant la plus-value future s’accumuler au profit de vos enfants. C’est un outil de planification successorale dynamique, bien loin de l’image statique d’un simple abri fiscal pour milliardaires.

Gel successoral : comment transmettre la plus-value de votre entreprise à vos enfants sans payer l’impôt aujourd’hui ?

Le gel successoral est l’une des stratégies de planification fiscale et successorale les plus puissantes pour les propriétaires d’entreprise au Québec. Son objectif est simple : « geler » la valeur actuelle de votre participation dans l’entreprise à son niveau d’aujourd’hui, afin que toute la croissance future (la plus-value) soit attribuée à la génération suivante, typiquement vos enfants. Cela permet de fixer et de planifier l’impôt sur le gain en capital que vous aurez à payer à votre décès, évitant ainsi que la facture fiscale ne devienne exorbitante et ne force la vente de l’entreprise pour la régler.

Concrètement, le processus implique une réorganisation du capital-actions de votre société. Vous échangez vos actions ordinaires (qui prennent de la valeur) contre des actions privilégiées d’une valeur fixe, égale à la juste valeur marchande actuelle de l’entreprise. Simultanément, de nouvelles actions ordinaires sont émises et souscrites, souvent via une fiducie familiale, par vos enfants pour une valeur nominale. Dès lors, toute l’appréciation future de l’entreprise se reflétera dans la valeur de ces nouvelles actions ordinaires, et non dans vos actions privilégiées gelées. Vous gardez le contrôle de l’entreprise grâce aux droits de vote attachés à vos actions privilégiées.

Mains de plusieurs générations tenant symboliquement une clé d'entreprise

L’avantage est double. Premièrement, vous différez l’imposition. L’impôt sur le gain en capital de vos actions ne sera payable qu’au moment de leur rachat ou à votre décès, mais sur une valeur connue et maîtrisée. Deuxièmement, cela facilite l’utilisation de l’Exonération Cumulative des Gains en Capital (ECGC). Au Québec, pour les actions admissibles de petites entreprises, cette exonération est considérable. Pour les aliénations effectuées après le 24 juin 2024, le montant de l’exonération est augmenté à 1 250 000 $. Le gel permet de structurer la transaction de manière à potentiellement utiliser l’ECGC de plusieurs membres de la famille, multipliant ainsi les économies d’impôt. C’est une démarche proactive pour assurer une transmission d’entreprise saine et fiscalement viable.

Assurance vie permanente ou « Buy Term and Invest the Difference » : quelle stratégie laisse le plus gros héritage ?

C’est un débat classique en planification financière : vaut-il mieux souscrire une assurance vie permanente, plus coûteuse mais garantie à vie, ou une assurance temporaire moins chère en investissant la différence (« Buy Term and Invest the Difference » – BTID) ? Pour un propriétaire d’entreprise dont l’objectif est de laisser un héritage maximal et liquide, la réponse n’est pas si simple et dépend avant tout de la discipline et des implications fiscales.

La stratégie BTID est séduisante en théorie. On paie une prime d’assurance temporaire faible pour couvrir les besoins durant une période définie (ex: jusqu’à la fin de l’hypothèque) et on investit rigoureusement la différence de coût avec une police permanente. Le succès de cette approche repose entièrement sur deux piliers fragiles : la discipline d’investissement à long terme de l’assuré et le rendement de ces placements. Le risque majeur est que les investissements sous-performent ou que l’assuré cesse d’investir la différence. De plus, à l’échéance de la temporaire, la personne se retrouve sans couverture, souvent à un âge où en souscrire une nouvelle est prohibitif. Surtout, au décès, la totalité des placements sera imposable, amputant sévèrement le capital légué, surtout au Québec avec un taux d’imposition marginal pouvant atteindre 53,31 %.

L’assurance vie permanente, bien que sa prime soit plus élevée, offre trois avantages cruciaux dans une optique successorale. Premièrement, le capital-décès est versé libre d’impôt aux bénéficiaires. Deuxièmement, ce versement est rapide, contournant les délais et les frais du processus de succession. Cette liquidité immédiate est vitale pour payer l’impôt au décès et les autres dettes, évitant ainsi la vente précipitée d’actifs comme l’entreprise ou le chalet familial. Troisièmement, certaines polices permanentes accumulent une valeur de rachat qui peut servir de levier financier de votre vivant. Le tableau suivant illustre la différence fondamentale au moment du décès.

Comparaison de l’impact successoral : Assurance vie permanente vs. Temporaire + Investissement
Critère Assurance permanente Assurance temporaire + investissement
Capital-décès Libre d’impôt, versé en quelques jours Temporaire: libre d’impôt / Investissements: imposables
Liquidité immédiate Oui, sans délai de succession Non pour les investissements (gel possible)
Protection contre l’impôt REER/FERR au décès Oui, capital peut couvrir la facture Non, sauf si temporaire encore valide

Pour un planificateur soucieux de la certitude et de l’efficacité fiscale, la police permanente est souvent l’outil de choix pour créer une liquidité successorale garantie et non imposable.

L’erreur de nommer un liquidateur testamentaire qui est aussi bénéficiaire sans clauses de contrôle

Nommer un de vos enfants ou votre conjoint comme liquidateur (anciennement « exécuteur testamentaire ») de votre succession peut sembler un choix naturel, dicté par la confiance. Cependant, lorsque ce liquidateur est également l’un des principaux bénéficiaires, vous créez involontairement une situation propice aux conflits d’intérêts, pouvant mener à des litiges familiaux longs et coûteux. Le liquidateur-bénéficiaire peut être tenté, consciemment ou non, de prendre des décisions qui favorisent ses propres intérêts au détriment des autres héritiers. Par exemple, il pourrait sous-évaluer un bien qu’il souhaite racheter, ou retarder la vente d’un actif dans l’attente d’une conjoncture plus favorable pour lui personnellement.

Cette situation est une source fréquente de tensions, où la suspicion peut rapidement empoisonner les relations familiales. Les autres héritiers peuvent remettre en question chaque décision, chaque évaluation, chaque dépense engagée par le liquidateur. Sans garde-fous clairs dans votre testament, la seule option pour les héritiers insatisfaits est souvent de s’adresser aux tribunaux, ce qui entraîne des délais et des frais qui grugent le patrimoine que vous souhaitiez leur transmettre. La confiance seule ne suffit pas; un cadre juridique est indispensable. Comme le précise le Code civil du Québec en matière de fiducie, un principe similaire de contrôle s’applique. La Banque Nationale rappelle d’ailleurs qu’« un constituant ou un bénéficiaire peut également être fiduciaire à condition de nommer un second fiduciaire qui lui ne sera ni constituant ni bénéficiaire ».

Pour prévenir ces conflits, il est impératif d’intégrer des clauses de contrôle spécifiques dans votre testament. Ces mécanismes ne témoignent pas d’un manque de confiance, mais d’une bonne gouvernance et d’une volonté de préserver l’harmonie familiale. Ils protègent à la fois les autres héritiers et le liquidateur lui-même, en lui fournissant un cadre clair et incontestable pour ses actions. Un testament bien rédigé anticipe les frictions humaines et y apporte des solutions juridiques préventives.

Plan d’action : clauses de contrôle essentielles pour un liquidateur-bénéficiaire

  1. Évaluations indépendantes : Exiger qu’au moins deux évaluations professionnelles et indépendantes soient obtenues pour tout immeuble ou actif majeur de l’entreprise avant sa vente ou son transfert.
  2. Signature conjointe : Imposer la nécessité d’une signature conjointe avec un autre héritier ou un professionnel désigné (comptable, notaire) pour toute transaction financière excédant un certain seuil (par exemple, 25 000 $).
  3. Co-liquidateur ou médiateur : Nommer un co-liquidateur professionnel et indépendant (notaire, avocat, société de fiducie) pour agir de concert, ou prévoir la nomination obligatoire d’un médiateur en cas de désaccord persistant entre les héritiers.
  4. Reddition de comptes : Stipuler une obligation de reddition de comptes détaillée et annuelle à tous les héritiers, présentant l’inventaire, les transactions effectuées, les revenus perçus et les dettes payées.
  5. Interdiction d’auto-transaction : Interdire formellement au liquidateur la vente d’actifs de la succession à lui-même, à son conjoint, ou à ses enfants, sans obtenir au préalable le consentement écrit et unanime des autres héritiers majeurs.

Quand donner de votre vivant pour réduire la facture fiscale finale de votre succession ?

Donner une partie de son patrimoine de son vivant est une stratégie de plus en plus pertinente au Québec, surtout dans un contexte de changements fiscaux. Le principe est d’anticiper la transmission pour réduire l’impôt payable au décès. En effet, à votre décès, vous êtes réputé avoir vendu tous vos biens à leur juste valeur marchande, ce qui peut déclencher un gain en capital substantiel et une facture d’impôt salée pour votre succession. En faisant des dons planifiés, vous pouvez étaler cet impact fiscal dans le temps et potentiellement le réduire.

Le moment est particulièrement bien choisi pour évaluer cette stratégie. En effet, le budget de 2024 propose d’augmenter le taux d’inclusion des gains en capital de 50% à 66,67% pour la tranche de gains annuels excédant 250 000 $ pour les particuliers, à compter du 25 juin 2024. Donner maintenant des actifs qui ont pris beaucoup de valeur (comme un chalet ou un portefeuille d’actions) pourrait permettre de déclencher le gain en capital sous l’ancien régime fiscal, plus favorable. Il s’agit d’un calcul complexe qui doit tenir compte de votre taux d’imposition actuel versus celui anticipé pour votre succession, mais l’opportunité de cristalliser un gain à un taux inférieur mérite une analyse sérieuse.

Vue macro de mains échangeant une plume ancienne au-dessus d'une surface en bois

Au-delà de l’aspect purement fiscal, le don de vivant est un acte profondément humain. Il vous permet de voir vos proches profiter de votre générosité et de les aider à des moments clés de leur vie (mise de fonds pour une maison, démarrage d’entreprise). C’est également une excellente façon de les initier à la gestion d’un patrimoine. Il ne s’agit pas de signer un chèque à l’aveugle. Une stratégie de don efficace est réfléchie : il faut identifier les actifs à donner (ceux avec la plus forte plus-value latente sont souvent de bons candidats), le moment opportun et la structure du don (don direct, don en fiducie). Un mémo détaillé de vos intentions, transmis à votre notaire, est une première étape essentielle pour formaliser cette volonté et s’assurer qu’elle s’intègre harmonieusement dans votre planification successorale globale.

Pourquoi nommer un bénéficiaire sur un fonds distinct évite-t-il les frais juridiques et délais de succession ?

Les fonds distincts, offerts par les compagnies d’assurance, sont des produits d’investissement qui possèdent une caractéristique juridique unique et extrêmement puissante en matière de planification successorale. Parce qu’ils sont techniquement des contrats d’assurance, ils permettent de nommer un bénéficiaire (autre que « la succession »). Cette simple désignation a des conséquences majeures : au décès du détenteur, le capital est versé directement au bénéficiaire nommé, sans passer par le processus de liquidation de la succession.

Cet avantage contourne deux des plus grands fléaux d’un règlement de succession : les délais et les frais. Une succession standard au Québec, même bien organisée, peut prendre de 9 à 18 mois, voire plus, avant que les actifs ne soient distribués. Pendant ce temps, les avoirs sont gelés. Avec un fonds distinct, le versement au bénéficiaire se fait généralement en 10 à 15 jours ouvrables après la réception de la preuve de décès. Cette injection de liquidités quasi immédiate est cruciale pour les proches, leur permettant de couvrir les frais funéraires, les dernières factures et l’impôt au décès sans avoir à puiser dans leurs propres économies ou à contracter des dettes.

L’économie de coûts est tout aussi spectaculaire. Les actifs qui transitent par une succession sont sujets aux frais de liquidation, qui incluent les honoraires du notaire ou de l’avocat, les frais de vérification de testament, et autres débours. Ces frais peuvent facilement représenter de 2 % à 5 % de la valeur des actifs. Un fonds distinct, lui, n’engendre aucun de ces frais de succession. Le capital est transmis intégralement. Le tableau ci-dessous met en lumière le contraste saisissant pour un actif de 100 000 $.

Fonds distincts vs Investissement traditionnel (FNB) dans une succession
Critère 100 000 $ dans un FNB 100 000 $ dans un fonds distinct
Délai de versement 9 à 18 mois (processus successoral) ~10 jours
Frais de liquidation 2 000 $ – 5 000 $ 0 $
Frais juridiques/notariaux Inclus dans les frais ci-dessus 0 $
Passage par la succession Oui Non (versement direct)

En nommant un bénéficiaire, vous transformez une partie de votre patrimoine en un outil de liquidité successorale d’une efficacité redoutable, protégeant vos proches de la paralysie financière.

Coffret de sûreté : est-ce encore utile pour protéger vos bijoux et documents originaux ?

À l’ère du numérique, le coffret de sûreté bancaire peut sembler être une relique du passé. Pourtant, il conserve une utilité stratégique dans une planification successorale bien pensée, à condition de savoir précisément quoi y mettre… et surtout, quoi ne pas y mettre. Son rôle n’est plus tant de stocker de l’argent liquide que de centraliser et protéger des objets physiques de valeur et des informations cruciales pour le liquidateur de votre succession.

L’erreur la plus grave, et malheureusement encore fréquente, est d’y placer l’original de votre testament notarié. C’est un contresens total. À votre décès, le coffret est automatiquement scellé par l’institution financière. Pour l’ouvrir, le liquidateur doit prouver son statut, ce qui requiert… l’original du testament. C’est un cercle vicieux qui peut paralyser le début du règlement de la succession pendant des semaines. Comme le souligne la Chambre des notaires du Québec, l’original de votre testament doit être conservé par votre notaire. C’est la seule façon de garantir sa sécurité, son intégrité et son retracement rapide après votre décès. Le coffret peut, en revanche, contenir une simple copie du testament avec les coordonnées du notaire qui détient l’original.

Alors, que doit contenir un coffret de sûreté moderne ? Il devient un « kit de démarrage » pour votre liquidateur. On y placera un inventaire détaillé de vos biens, notamment les moins évidents : œuvres d’art, collections, et surtout, une liste complète de vos actifs numériques (comptes de réseaux sociaux, portefeuilles de cryptomonnaies, services infonuagiques) avec les instructions pour y accéder via un gestionnaire de mots de passe sécurisé. Il est aussi l’endroit idéal pour les bijoux de famille de grande valeur sentimentale ou monétaire, des copies certifiées de documents importants (certificats de naissance, de mariage, contrats) et les titres de propriété originaux qui ne sont plus dématérialisés. Le coffret n’est donc pas mort ; il a simplement évolué pour devenir un pont sécurisé entre votre patrimoine physique et numérique et la personne qui aura la lourde tâche de le gérer.

À retenir

  • L’absence de mandat de protection en cas d’inaptitude provoque un gel immédiat et total de vos actifs personnels et professionnels, paralysant la gestion de votre PME.
  • Les fonds distincts avec un bénéficiaire nommé contournent la succession, offrant une liquidité non imposable à vos proches en quelques jours, contrairement aux placements traditionnels bloqués pendant des mois.
  • Des clauses de contrôle précises dans votre testament sont non négociables si votre liquidateur est aussi un bénéficiaire, afin de prévenir les conflits d’intérêts et de protéger l’harmonie familiale.

Fonds distincts : pourquoi payer plus cher de frais pour garantir votre capital à 75% ou 100% ?

Les fonds distincts sont souvent critiqués pour leurs ratios de frais de gestion (RFG) plus élevés que ceux des fonds communs de placement ou des FNB. Cette différence de coût n’est pas arbitraire; elle finance des garanties contractuelles uniques qui répondent à un besoin psychologique fondamental chez de nombreux investisseurs québécois : la protection du capital. Comprendre cette proposition de valeur est essentiel pour juger si cet outil est adapté à votre profil.

La caractéristique principale est la garantie à l’échéance et au décès. La plupart des contrats garantissent que, à une date d’échéance donnée (souvent après 10 ou 15 ans) ou à votre décès, la valeur de votre placement ne sera pas inférieure à un certain pourcentage de vos dépôts, généralement 75 % ou 100 %, nets des retraits. Cette garantie agit comme un filet de sécurité. Si les marchés financiers s’effondrent juste avant votre retraite ou votre décès, vos bénéficiaires ou vous-même êtes protégés contre une perte catastrophique. Vous payez une prime pour dormir sur vos deux oreilles, sachant qu’un plancher protège votre capital durement gagné.

Cette protection a un coût, qui se reflète dans le RFG. Pour un investisseur jeune avec un horizon de placement de 40 ans, cet extra coût peut sembler excessif. Cependant, pour une personne approchant de la retraite, un entrepreneur qui a tout misé sur sa PME et souhaite diversifier son patrimoine avec prudence, ou simplement un investisseur au tempérament plus anxieux, cette garantie a une valeur inestimable. C’est le prix de la tranquillité d’esprit. De plus, certains contrats offrent des « réinitialisations » de la garantie, permettant de fixer un nouveau plancher plus élevé après une période de forte croissance des marchés, capturant ainsi une partie des gains de manière sécurisée. Le choix d’un fonds distinct n’est donc pas qu’une décision financière; c’est une décision patrimoniale qui aligne la stratégie d’investissement avec le profil de risque et le besoin de sécurité de l’investisseur.

Pour prendre une décision éclairée, il est crucial de comprendre le compromis entre les frais plus élevés et la sécurité offerte par la garantie en capital.

Le tableau est clair : l’inaction a un coût exorbitant, en temps et en argent. Attendre n’est pas une option. L’étape suivante n’est pas une dépense, mais l’investissement le plus rentable pour la pérennité de votre entreprise et la sécurité de votre famille : consulter un notaire pour formaliser votre plan de protection et de succession.

Questions fréquentes sur la planification successorale et les produits financiers au Québec

Que se passe-t-il si je nomme ‘Ma succession’ comme bénéficiaire d’un fonds distinct?

Tous les avantages du fonds distinct sont perdus. L’argent retombe dans le processus successoral normal avec les délais et frais associés. La désignation d’un bénéficiaire nommé (une personne physique) est la clé pour contourner la succession.

Les fonds distincts sont-ils protégés contre les créanciers?

Oui, en vertu de la Loi sur les assurances du Québec, les fonds distincts peuvent offrir une protection contre vos créanciers personnels, à condition que le bénéficiaire désigné soit votre conjoint, votre descendant ou votre ascendant. C’est une couche de protection d’actifs supplémentaire significative.

Rédigé par Sophie Gagnon, CPA auditeur et fiscaliste spécialisée en optimisation fiscale pour les entrepreneurs et les PME québécoises. Experte en restructuration d'entreprise, incorporation et planification de la rémunération (dividendes vs salaire).